Orgueil et prejuges et zombies

Jane Austen, Seth Grahame-Smith

Flammarion

  • Conseillé par
    6 juin 2010

    Quand on aime Jane Austen et son roman le plus connu "Pride & Prejudice", "Orgueil et préjugés", que fait-on lorsqu’on entend parler d’une reprise de cette belle oeuvre à la sauce morts-vivants ? On s’offusque ? Non. On ouvre de grands yeux éberlués ? Oui. Et ensuite on se plonge dans ce surprenant récit.

    De l’oeuvre d’Austen, Seth Grahame-Smith a tout gardé : les répliques quasi cultes de Mr Bennet concernant les nerfs de sa femme, l’obsession de cette dernière à marier ses cinq filles, le ténébreux Darcy et la piquante Elizabeth...

    Son seul ajout, et non des moindres, c’est que l’histoire se déroule dans un pays en proie à une étrange épidémie : les morts reviennent à la vie pour se repaître de la cervelle des vivants... Pour combattre ces innommables, la jeunesse britannique prend les armes et se forme en Asie... Ainsi, les soeurs Bennet, farouches guerrières, ont été entraînées par un maître shaolin, la splendide demeure de Darcy, Pemberley, se trouve enrichie d’un dojo et lady Catherine de Bourgh a, à sa solde, toute une armée de ninjas...

    On peut être sceptique, mais force est de constater que l’évolution de la relation entre Darcy et Elizabeth, pilier central de l’oeuvre originale et donc intérêt principal du récit, n’en souffre pas... Sauf peut-être un peu Darcy quand Elizabeth l’agresse à coups de tisonnier, mais bon, n’allons pas tout dévoiler !

    On peut donc se dire que Orgueil et préjugés et zombies est un simple coup médiatique, une provocation sans grande originalité... On peut aussi savourer le surréalisme de certains passages comme la "dispute" entre Lizzie et lady Catherine...

    Si Seth Grahame-Smith dépoussière une oeuvre qui n’en avait pas vraiment besoin, il faut lui reconnaître la pertinence de son adaptation : le personnage créé par Austen fin XVIIIe - début XIXe était un être libre, spirituel et relativement indépendant par rapport à la société rigoureuse de l’époque... Grahame-Smith en a fait une Tueuse, une farouche guerrière qui se bat aussi bien pour sa vie que pour son honneur. Une femme de tête qui, tout comme la Lizzie d’Austen, a su séduire davantage Darcy par son esprit et sa dévotion sororale que par ses minauderies et ses flagorneries...


  • Conseillé par
    2 mai 2010

    "Seth Grahame-Smith est un écrivain et scénariste américain qui ne s'est jamais remis de la lecture de Jane Austen."

    Quoi de neuf dans le chef-d'oeuvre de Jane Austen? Les cinq filles Bennet ont toujours leur petit caractère, Mrs Bennet cherche toujours à les marier et les préjugés vont toujours bon train dans la petite société qu'elles fréquentent. Tout est pour le mieux, ou presque. Depuis quelques générations, Dieu a fermé les portes de l'Enfer, et les zombies sortent de terre pour se repaître de cervelles et contaminer les vivants. Les occupations des jeunes filles de bonne famille sont alors un peu différentes. Au lieu de s'exercer au point de croix ou au piano, elles passent des heures dans le dojo familial, où elles s'entraînent au combat et affutent leurs armes. Les soeurs Bennet sont le Pentagramme de la Mort et défendent la région des attaques des zombies.


    "C'est une vérité universellement reconnue qu'un zombie ayant dévoré un certain nombre de cerveaux est nécessairement à la recherche d'autres cerveaux." (p. 7) La première phrase du roman est habilement réécrite. Mais pour le reste du texte, il n'y a pas beaucoup à dire. La traduction des deux versions est l'oeuvre du même homme, Laurent Bury. Seth Grahame-Smith a conservé le texte de Jane Austen et s'est contenté d'insérer de temps en temps des évènements horrifiques.

    Mais l'horreur est traitée sur le mode de la dérision. Les cadavres ambulants en décomposition sont ridicules, les massacres sont hilarants, les combats sont improbables. On sent tout le passé de scénariste de l'auteur. Il y a du Tarantino là-dessous, des références aux mauvais films de zombies ou aux films de sabre asiatiques.

    Le roman de Jane Austen est réputé pour la représentation d'un univers extrêmement féminin et féminisé, où tout tourne autour de la jeune fille à marier. La réécriture de Seth Grahame-Smith injecte un peu de testostérone dans ce monde saturé d'oestrogène. Dans les salons, on ne joue pas au whist, mais à Caveau et Cercueil, un jeu de cartes assez macabre. La dentelle et les rubans ont fait place aux fusils Brown Bess et sabres Katana. Les gouvernantes sont remplacées par des maîtres du temple Shaolin et des guerriers ninjas. Le salon de lecture où les femmes se retrouvent est devenu un dojo où les filles s'exercent à la position de la Grue, de la Blanchisseuse enivrée, des Griffes du Léopard ou du Paysan balayé par le vent. Une dispute entre femmes où les mots faisaient mouche tourne au combat au sabre où le sang coule. Les priorités ont changé: "L'unique objectif de Mr Bennet était de maintenir ses filles en vie. Celui de Mrs Bennet était de les marier." (p. 9)

    Étrange rencontre que celle de l'univers anglais et du monde asiatique. Des références typiquement britanniques sont renversées. À l'heure du thé, on boit plutôt du jus de bambou noir. Les jardins anglais deviennent des jardins zen avec des bassins où nagent des carpes koï. La réécriture est amusante, mais après quelques pages, je suis vite revenue au texte original.

    Les premières de couverture de deux livres ont été habilement travaillées. La réécriture présente les mêmes portraits que ceux exposés sur l'original. Mais ils ont subi des avaries. On croirait voir toute la famille de Dorian Gray après des années de vicissitude. La tapisserie rose est fânée, dégradée par l'humidité et la poussière.

    La lecture est amusante, mais pas vraiment édifiante. L'oeuvre de Jane Austen n'y gagne rien, si ce n'est davantage d'éclat quand on la compare à sa cadette.