LES ADORABLES DU Zoroastre

Éric Pirart

Max Milo

  • Conseillé par
    15 mars 2011

    Avant de lire cet ouvrage, je ne connaissais de Zoroastre que son nom avestique, Zarathoustra, sous lequel le désigne Nietzsche dans son poème philosophique Ainsi Parlait Zarathoustra... que je n'ai jamais lu d'ailleurs. Ayant entrepris tant bien que mal au cours de ces dernières années d'améliorer les fondements de ma culture religieuse, je me suis penchée avec grand intérêt sur ce livre sacré qui m'était encore entièrement inconnu.


    Pour (essayer de) dire les choses simplement, le zoroastrisme est une religion monothéiste née du mazdéisme, religion polythéiste proche du brahmanisme, mais qui ne célèbre qu'un dieu unique, Ahura Mazda, le Roi de la Sagesse. Le zoroastrisme, né entre le premier millénaire et 500 avant J.C, est la religion des anciens Iraniens et des Perses à l'époque sassanide (du IIème siècle au VIIème siècle après J.C., période qui marque l'âge d'or de l'Empire Perse).

    C'est le libre arbitre qui se trouve au coeur de la doctrine de Zoroastre, le prophète mal connu qui aurait été inspiré par Ahura Mazda pour aller convertir la cour du roi où les prêtres se livraient à la magie. Le zoroastrisme prévoit une réaction à chacune des actions humaines ; la bonté serait donc inhérente aux hommes qui obtiennent des bienfaits pour avoir été bons. Zoroastre est aussi bien l'un des personnages du récit que l'auteur présumé des textes les plus anciens.

    Dès l'introduction, Eric Pirart, qui traduit ici les Yast (des hymnes sacrificiels en l'honneur des dieux (oui, car le zoroastrisme conserve un panthéon de dieux et de déesses tout en condamnant les rituels traditionnels), annonce le ton des textes qu'il nous présente : il s'agit de litanies dont le ton sec et insolite peut dérouter le lecteur moderne. Voltaire n'y voyait qu'un "abominable fatras" ! Jean Kellens, lui aussi éminent spécialiste du persan ancien, explique dans la préface que "L'Avesta est une oeuvre littéraire très ancienne, issue d'un passé qu'aucun autre vestige ne documente sûrement, élaborée par des hommes qui ne s'adressent pas à nous et dont l'intention créatrice nous est étrangère" : j'aime cette impression de me voir offrir ces textes lointains et obscurs, comme un secret mystique révélé !

    Les Yast s'adressent donc aux divinités, fils et filles d'Ahura Mazda : on les nomme les Adorables. Les Adorables se divisent en deux groupes, ceux qui sont visibles et ceux qui ne le sont pas : on y croise l'Eau, "Molle Opulence Inaltérable" (avouez que l'épithète a de quoi faire pâlir Homère !), le Dieu Lune, la déesse Chevaux-fixes, le Moi de la Vache, le Pouvoir de briser les obstacles... Voilà qui pourrait nous laisser perplexes : heureusement, chacun des Sacrifices est précédé d'une présentation du traducteur qui nous permet de comprendre un peu mieux de quoi il retourne. Par exemple, la déesse Chevaux-fixes vient probablement de l'Etoile polaire, divinité des cieux dont le char est visible dans une constellation immobile. Voilà qui prête à rêver !

    Pour ne pas nous y perdre, l'ouvrage se termine par un glossaire, absolument indispensable !

    La démarche d'Eric Pirart est absolument admirable : le travail abattu semble monstrueux et il réactualise brillamment, même selon mon avis peu éclairé pourtant sur le sujet, une traduction qui ne fut révélée aux Français qu'au XVIIIème siècle !