Le temps n'efface rien

Stephen Orr

Les Presses de la Cité

  • Conseillé par
    22 septembre 2012

    Australie, disparition

    Voici un très beau roman doux-amer sur l'Australie des années 60, dans une petite banlieue résidentielle d'Adelaïde.

    La première partie du roman décrit la vie d'Henry, de ses parents et de leurs voisins à qui ils sont très liés. Pour s'occuper te rendre service, Henry va également ranger des livres dans la bibliothèque de l'ostéopathe, un bien étrange monsieur solitaire qui aime le regarder.

    Henry joue également beaucoup avec Janice, une grande fille dégourdie qui l'a pris sous son aile et le défend contre les moqueurs.

    Cette première moitié du roman est un peu longue, il ne se passe rien, ou pas grand chose. Si, on devine que la folie de la mère d'Henry commence. Trouble bi-polaire, on appellerai cela de nos jours.

    Puis la seconde partie du roman commence, le jour de la fête nationale, un jour de canicule. Le drame a lieu, et se dévoile la solidarité entre les habitants du quartier. La mère d'Henry prend Liz, la mère des enfants disparus, sous son aile.

    Mais l'enquête piétine et ne sera jamais résolue.

    Le quartier change, les gens meurent ou déménagent, mais Henry reste à son bureau et n'oublie pas Janice.

    Ce roman est également un très bel hommage à son propre père, homme de paix, cherchant par tous les moyens la conciliation, et follement amoureux de sa femme, dont il tente de protéger son fils, malgré tout.

    Une lecture dont je suis ressortie le coeur gros, de très belles pages sur l'amitié et la fraternité.

    Presque un coup de coeur, si la première partie n'avait pas été aussi longuette.

    L'image que je retiendrai :

    Celle du faux poivrier sous lequel se tiennent tour à tour les personnages au fil des pages. Ce roman aurait pu être un traité de botanique tant l'auteur fait référence aux nombreuses plantes qui poussent à Croydon.

    http://motamots.canalblog.com/archives/2012/08/16/24692947.html


  • Conseillé par
    23 août 2012

    Passionnant !

    Wouah ! Quel roman ! C'est tout à fait le genre d'histoires que j'aime et le titre m'a tout de suite tapé dans l'oeil. Pour être honnête, j'ai eu un peu de mal avec le début du roman mais je ne sais pas si ça vient du livre ou de moi. Je trouvais que c'était un peu long à se mettre en place. J'ai mis plus d'une semaine pour le lire - contre quelques jours la plupart du temps - car c'est un roman très dense mais j'ai adoré cette immersion dans l'Australie des années 60. Une fois plongée dans l'histoire, je n'avais plus envie d'en sortir. Je viens tout juste de tourner la dernière page et j'ai le ventre noué et les larmes aux yeux. L'écriture de Stephen Orr m'a totalement envoûtée et le fait que ce récit soit inspiré d'une histoire vraie - un fait divers jamais résolu - est encore plus bouleversant.

    A cause de son pied bot, Henry est mis à l'écart et n'a qu'une seule amie : Janice Ryan, la fille des voisins, avec qui il entretient une belle complicité. Janice n'a peur de rien et ne se laisse pas faire. Elle est débrouillarde et n'hésite pas à lever le point quand les autres enfants s'attaquent à Henry. Lui, est un petit garçon de neuf ans, solitaire et intelligent qui se nourrit de lecture et passe son temps à observer le monde avec un regard très adulte pour son âge. Ses parents n'arrêtent pas de se disputer. Son père, qu'il idolâtre, est un inspecteur aimé et respecté de tous mais aux yeux de la mère de Henry, c'est un mari et un père trop souvent absent. Elle rêve d'une autre vie. De quitter sa vie de mère au foyer pour se trouver un travail et voir d'autres choses alors que pour son mari et son fils, la vie se résumé à Croydon, la petite ville d'Australie qu'ils habitent. La routine des habitants de Thomas Street est bousculée lorsque les trois enfants Ryan disparaissent. Partis seuls à la plage, ils ne rentreront pas...

    Stephen Orr nous dépeint avec brio l'Australie des années 60. On s'y croirait ! Ménagères blasées, maris volages, querelles de voisinages, ragots, secrets, violences conjugales, machisme, désirs d'émancipation, chaleur, souvenirs,... L'auteur part d'une histoire vraie pour nous décrire la vie à cette époque, les moeurs, et les différentes façons de survivre à un tel drame : journalistes avides de scoops et de récits larmoyants, faux témoignages, compassion, culpabilité, pitié, douleur, médiums peu scrupuleux,... On attend une explication, on soupçonne tout le monde, on espère... L'enquête piétine. Les témoignages se contredisent et apportent à chaque fois un point de vue différent. C'est surtout le point de vue de Henry que nous suivons au fil des chapitres. Son regard, ses hypothèses, les informations qu'il a rassemblé. Il nous raconte toute cette histoire mais sans être sûr des faits : "je pense", "j'imagine", "d'après mes souvenirs", "c'est ce qu'on m'a raconté", "voici ce qui s'est peut-être passé",... Ce roman ressemble beaucoup à un témoignage. L'auteur essaie d'apporter des réponses à cette enquête non résolue qui hante encore tout un pays. Que s'est-il vraiment passé ce jour là ? Nul ne le sait. La vie peut basculer du jour au lendemain. Perdre son éclat sans que l'on sache jamais pourquoi ni comment cela a bien pu arriver ni ce qu'on aurait pu faire pour éviter cela. L'auteur s'intéresse à ceux qui restent. A ceux qui sont obligés de survivre malgré tout, de continuer à se lever chaque matin sans réponse, à ceux qui passent toute leur vie à attendre et à ceux qui passent leur temps à chercher les disparus en oubliant ceux qui restent.

    L'écriture de Stephen Orr est belle, très imagée et profondément mélancolique. J'ai aimé la façon dont est construit le roman. Il nous fait entrer dans la tête des différents personnages et construit des dialogues imaginaires entre les disparus et ceux qui restent. Il y a aussi des petits textes écrits par Janice et Henry. L'écriture et les mots ont une grande place dans ce livre et je ne suis pas étonnée d'apprendre que l'auteur enseigne la littérature et l'écriture car on sent qu'il est passionné par le sujet. Il y a beaucoup de descriptions, et c'est peut-être ce qui m'a dérangé au début du roman, mais finalement j'ai adoré car j'ai l'impression de connaître chaque petite parcelle de Thomas street et d'avoir grandi auprès de tous les personnages. L'auteur alterne les longues descriptions et les passages concis : "cris, larmes, claquements de portes." C'est aussi un roman nostalgique d'une époque qui n'est plus. Une époque où pour les habitants d'un village, leur rue constituait un monde à part. Il n'y avait rien au dehors. Il ne se passait pas grand chose à première vue et pourtant il y a tant à raconter. J'ai ressenti la même chose que lorsque j'ai lu "Beignets de tomates vertes" de Fannie Flagg. Je me suis sentie triste et nostalgique, avec l'impression d'avoir connu cette époque. On sent la chaleur étouffante, la température qui n'en fini pas de monter encore et encore, on entend les airs de ukulélé joués par les personnages, on sent les odeurs de transpiration et de fruits trop mûrs, le manque d'air et la brise qui se fait attendre, l'odeur des vieux livres et de la poussière. J'ai été particulièrement émue par Gino et Rosa, leur passé, leur histoire mais aussi ce que le temps vient bousculer. Bien sûr, le temps passe, les choses changent et la vie continue mais malgré tout, le temps n'efface rien...


  • Conseillé par
    19 août 2012

    Un livre poignant, touchant, écrit de manière subtile avec des personnages très attachants.

    Un roman qui traite d’un fait réel, présenté par l’éditeur comme: “romance la tragique disparition des enfants Beaumont”. Nous sommes donc dans un récit qui qui mêle fait divers et fiction.

    Ce livre est découpée en deux parties: l’avant et l’après disparition. Les deux parties sont racontée par Henry, un garçonnet de neuf ans, que le handicap l’isole, mais qui se lie d’amitié avec ses voisins, qu’il connait depuis toujours et surtout de Janice, l’ainée de la famille Riley.

    Dans la première partie, nous suivons l’avant, quelques jours avant la disparition des enfants, durant leurs vacances d’été. Henry nous peint sa vie, son quartier, ses voisins et pas seulement les Riley. Les descriptions dans ce livre sont à la fois visuelles et olfactives. On a l’impression de ressentir exactement ce que ressent, Henry, d’être vraiment à sa place.

    Henry est un enfant vraiment extraordinaire, c’est un petit garçon vraiment très mûr pour son âge, qui comprend facilement le monde dans lequel il vit. On s’attache très vite à lui, tout comme l’ensemble des habitants de son quartier, de son monde à lui dans l’Australie des années 60. On découvre les liens qu’il entretient avec tous les habitants de son quartier. Les liens qu’il possède avec la famille Riley, une seconde famille pour lui, de vrais amis que se soit Janice ou Anna et Gavin. On découvre leurs jeux, leurs questions… bref leur quotidien d’enfants durant les grandes vacances. Mais aussi bien avant, car Henry nous raconte également des petits souvenirs. J’ai beaucoup aimé la relation qu’il entretien avec son père, qu’il considère comme son héros : son papa policier qui résout tous les problèmes. Ainsi qu’avec sa mère, qu’il a du mal à comprendre, malgré qu’elle soit comme lui et qu’il observe petit à petit son changement, sa défaillance.

    Durant cette partie, Henry nous raconte également la vie des Riley et on ne peut que s’attacher à ces trois enfants pleins de vie. Notamment Janice, qui est une petite fille très intelligente, qui adore lire et souhaite devenir écrivaine, une petite pleine de de jugeote qui n’a pas froid aux yeux.

    Dans la seconde partie, l’après, on suit toujours les habitants du quartier, les parents de Henry et les Riley. On observe le déroulement de l’enquête à travers les yeux de Henry, mais aussi ce qu’il s’imagine être lorsqu’il n’est pas là : les scènes que son père lui racontera pas la suite. On essaye de comprendre qui a pu enlever les enfants et pourquoi. On ressent les émotions de chacun, comme si c’était nous qui étions à leur place. On observe comment les habitants du quartiers réagissent : ceux qui veulent aider mais qui ne savent pas comment faire, et ceux qui continue leur petite vie comme si de rien n’était. On se met à la place des parents, on vit avec eux les reproches que chacun se fait mutuellement et leur douleur. Et surtout, on voit Henry qui essaye de s’en sortir.

    C’est vraiment un roman plein d’émotions, qui évite le cliché du pathos. Un roman qui traite d’un sujet très difficile, avec subtilité, un très bon choix de narration. Le plus dur dans ce genre de faits, c’est de ne pas savoir et ne jamais savoir. Car inspiré de faits réels, on n’a jamais su ce qui était arrivé à ces enfants disparus dans les années 60.