Le dîner

Herman Koch

10-18

  • Conseillé par
    17 octobre 2017

    Deux couples ont rendez-vous dans un restaurant chic et branché d'Amsterdam. Paul et Claire s'y rendent à reculons. C'est Serge qui a choisi le jour, l'heure et le lieu, Serge, le frère de Paul, Serge, populaire, admiré, Serge, propriétaire d'une vaste demeure dans le Périgord Serge, mari de la belle Babette, père comblé qui a poussé la générosité jusqu'à adopter Beau en Afrique, Serge qui a tout réussi, Serge, futur Premier ministre des Pays-Bas et Serge qui veut parler des enfants. Car les enfants ont fait quelque chose de grave. Paul le sait, il en a encore vu la preuve l'après-midi même en fouillant le portable de son fils unique, Michel, sur une vidéo qui ne laisse aucun doute. Mais le dîner s'éternise, Serge est au centre de toutes les attentions, la cuisine minimaliste agace Paul, le gérant donne de longues explications sur chaque plat et le sujet des enfants, attendu et redouté, tarde à être abordé. La tension monte.

    Une belle surprise que ce roman néerlandais, une claque même, tant Herman Koch s'est ingénié à retourner, malmener et manipuler un lecteur stupéfait qui ne sait plus que croire, qui aimer, qui détester de ces quatre personnages attablés devant un dîner fin. De l'apéritif au digestif, il déroule un menu au goût de plus en plus amer. Le début est sans équivoque, Paul, professeur en congé maladie, et sa femme Claire forment un couple équilibré et aimant. Ce sont des gens simples et sympathiques qui apprécient moyennement de gâcher un samedi soir dans le restaurant le plus en vue d'Amsterdam alors que leurs goûts les portent plus vers un petit café populaire où l'on mange à sa faim et pour moins cher. Paul est drôle, sarcastique, il décortique l'ambiance, les manières des serveurs, les chichis superflus avec verve. Serge et sa femme sont absents, en retard comme d'habitude. Mais grâce à Paul, on sait déjà que va arriver un couple qui a réussi. La femme est belle à tomber, le mari est un politicien ambitieux, sans doute un arriviste, un sale type opportuniste qu'on juge d'emblée infréquentable. Quant aux enfants...Certes, ils ont fait une grosse bêtise mais Michel est un bon garçon, il a dû être influencé par les fils de Serge, probablement Beau, le fils adoptif qui n'a pas su s'intégrer. Oui mais voilà...Il ne faut pas se fier à sa première impression. De joyeusement ironique, le ton passe au grinçant, au cynique, à l'immoral et le temps du repas devient le temps des règlements de compte et de la vérité. Sur le thème de la famille et de la parentalité, le roman aborde aussi l'éducation, la violence gratuite, le bien et le mal. Une comédie qui tourne à l'aigre et qui vaut le détour.