Les Choses mêmes, La pensée du réel chez Aristote
EAN13
9782350881973
Éditeur
Les Belles Lettres
Date de publication
Collection
Encre Marine
Langue
français
Langue d'origine
français
Fiches UNIMARC
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Les Choses mêmes

La pensée du réel chez Aristote

Les Belles Lettres

Encre Marine

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Quand on lit Aristote dans son texte, on est frappé par la fréquence du retour
d’expressions comme « la science de la chose », « à partir de la chose elle-
même », « dans la nature de la chose » ; les physiciens présocratiques n’ont
pu deviner l’essence, dit Aristote, que parce qu’ils ont été « poussés par la
chose elle-même ». Si ce retour insistant ne se manifeste pas toujours dans la
version française du texte, c’est parce que le terme grec de pragma/πρᾶγμα
recueille en lui tout un faisceau de sens que la traduction fait éclater en
termes distincts : πρᾶγμα se traduit par chose, mais aussi par cause, au sens
juridique du terme, et par affaire. Πρᾶγμα recouvre donc le champ des choses
naturelles, mais aussi celui de la politique ; qui est l’affaire de tous et la
cause d’un chacun, et que les Anciens nommaient « affaires communes » et «
chose publique ». Ce sens anthropologique s’est oblitéré de nos jours, si bien
que la signification de πρᾶγμα est beaucoup plus large que celle du vocable
moderne de chose. La largeur du champ de πρᾶγμα invite à faire porter
l’analyse sur l’ensemble de l’œuvre d’Aristote. Sous son aspect négatif
d’abord, avec la critique de là sophistique et du platonisme ; sous son aspect
positif ensuite, tel qu’il se déploie en trois perspectives essentielles : la
relation de l’homme aux choses par la connaissance ; la nature propre de la
chose concrète telle qu’elle subsiste par soi dans la nature ; la réalité
politique, qui certes est l’œuvre de l’homme, mais qui aussi subsiste à
l’extérieur de lui dans la Cité d’une manière autonome comme ré-publique. On
sait que les textes publiés par le Stagirite ont été perdus, et que le Corpus
est constitué de notes de cours rédigées à des époques différentes. C’est dire
que le philosophe méditant les écrits d’Aristote ne peut faire l’économie de
considérations philologiques, lesquelles ne sont pas ici surcharge érudite
mais font corps avec l’interprétation. Ainsi, l’étude précise de l’évolution
d’Aristote dans sa théorie du sentir éclaire la genèse du traité De l’âme et
invite à reconsidérer le problème de la date de sa rédaction. On résume
souvent par le mot de « réalisme » l’inspiration de la pensée d’Aristote,
réalisme « naïf » ajoutent certains naïfs pour désigner une pensée
parfaitement au fait de ses présupposés. Mais si le réalisme se définit comme
visée du réel, il se trouve affecté d’une énorme ambiguïté puisque la réalité
est ce que tente d’exprimer toute philosophie. Une inspiration philosophique
va donc se caractériser par le lieu particulier où elle invente de situer ce
réel énigmatique ; si Aristote ramène la philosophie du ciel sur la terre
c’est parce que, refusant de voir ce réel dans un monde idéal séparé, il veut
lire l’essence dans les choses de ce monde, les πράγματα. Le recours ici fait,
à travers la pensée d’Aristote, au sens ancien de πρᾶγμα vise à revaloriser la
notion de chose, à lui redonner l’ampleur qu’elle a perdue en se bornant à
désigner de nos jours l’objet simplement inerte.
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