Terre-des-Fins
EAN13
9782889070176
Éditeur
Zoé
Date de publication
Langue
français
Langue d'origine
français
Fiches UNIMARC
S'identifier

Terre-des-Fins

Zoé

Indisponible

Autre version disponible

Liv, une orpheline bègue, vit avec son frère, Zed, à Terre-des-Fins, une sorte
de Nord fantasmé entre Russie, Scandinavie et Canada, où on trouve aussi bien
des cochons d’Inde d’Amérique du Sud que de mystérieuses tortues en voie de
disparition. « Terdef » est une ville minière au bord du gouffre. Elle ne doit
sa survie qu’à la renommée internationale de Mitch Cadum, un artiste
travaillant les pierres toxiques des mines, et dont les créations se vendent à
la capitale. Là-bas, le monde de l’art contemporain, fasciné par la
dangerosité et la fragilité du matériau – la pierre s’effrite en poussière –
raffole de ces œuvres monumentales. Liv, de son côté, ne comprend pas cet
enthousiasme : elle et son frère sont bien trop occupés à réaliser des
graffitis sur des wagons, ou à braquer le train qui, chaque mois,
approvisionne Terre-des-Fins en nourriture. Un jour, Sora est envoyée de la
capitale pour y rapporter les pièces de Mitch Cadum, en vue d’une exposition.
L’arrivée de cette jeune femme brillante, ambitieuse et grande admiratrice de
l’artiste va bouleverser la vie de Liv. C’est Liv qui raconte, son goût pour
les mots lui permet de partager son regard, ses émotions, ses enthousiasmes et
ses dégoûts. Sa voix pleine de vitalité, qui tranche avec l’atmosphère de fin
du monde de « Terdef », parlera aux adultes comme aux adolescents : le récit
de l’émancipation de Liv, jeune femme débrouillarde et pourtant soumise,
s’approche de la littérature « young adult. » Extraits Terre-des-Fins « Le
café des Mineurs, c’est le dernier qui nous reste. C’était aussi le premier à
ouvrir, au tout début. Il était là avant la gare, avant la mine, avant qu’on
donne à cet endroit le nom de Terre-des-Fins. Il préexistait a dit maman, un
mot que j’ai retenu. Des fois j’imagine la maisonnette de briques posée au
milieu de la plaine, avec rien autour et des gens dedans qui boivent sans se
parler. Le lieu est tout petit et a tout de suite l’air plein. Un jour comme
aujourd’hui, quand la ville est particulièrement fantôme, le brouhaha dans le
café fait croire qu’il y a encore des choses à espérer. » « Dans la fausse
obscurité les hautes herbes ressemblent aux jardins d’une autre planète. Mon
corps guette des bêtes sauvages insensées. » Braquage du train provenant de la
capitale : « Le convoi grince en freinant, il ralentit jusqu’à la vitesse de
la marche à hauteur du passage à niveau – c’est pour ça que notre cabane on
l’a construite si loin de la ville, pour pouvoir se servir en premier, c’était
stratégique. Zed serre la mâchoire. On a pas besoin de se parler, on connaît
le boulot. Il laisse passer la locomotive, se redresse et observe la première
voiture, un wagon passager avec des vieux graffitis mais pas les siens, des
trucs amateurs qui méritaient pas de faire tout ce voyage. Zed s’assombrit
encore. Il marche à côté du train pour se mettre dans l’élan, patiente avant
de tendre le bras, attrape une poignée et grimpe sur le premier wagon-
plateforme. Je me lance mais mon genou cogne contre le bord, Zed me rattrape
par le bras et me tire vers lui. – Putain t’es nulle ou tu le fais exprès ?
J’ai eu peur, Zed a déjà déclipsé deux sangles alors je l’aide. Les
marchandises sont protégées par des bâches solidement fixées, le train
pourrait traverser un ouragan, rien bougerait. Il y a des bidons d’huile de
moteur et de friture, on en prend un de chaque qu’on balance par-dessus bord,
ils roulent dans les herbes sans rebondir. On fait pareil avec une douzaine de
conserves de thon et la même chose de maïs doux. Zed bourrine sur les sangles
qui se détendent en claquant, il s’enfile sous les bâches et trouve des
planches, des clous, même quelques ampoules qu’il dépose au bord des voies en
se mettant à plat ventre. L’électricité marche pas du tout à la cabane et pas
tout le temps en ville, sauf au café, à la gare et aux entrepôts, les ampoules
c’est pour échanger, peut-être contre de nouvelles couleurs si on trouve.
C’est une bonne récolte, Zed dit qu’avec tout ce qu’on a jeté du train on
tient tout le mois. Je trouve ça frustrant, la quantité de bouffe qu’on
laisse, on est jamais sûrs de ce qu’il y aura dans le prochain convoi et j’ai
constamment la dalle. » Les entrepôts, l’endroit préféré de Liv : « Les
entrepôts sont remplis de matériel à la retraite qui sortira plus jamais, des
trains-poubelles, des voitures orientales avec de la marqueterie, des Colibris
ou des wagons-silos, et même des locomotives à vapeur qui remontent aux débuts
de la ville, quand c’était qu’une poignée de baraques autour du café des
Mineurs. Personne pour surveiller ou voir ce que je fais, je peux passer mille
heures sur une pièce, soigner chaque lettre et m’entraîner, on viendra pas me
faire chier. » L’importance des mots « J’aime pas quand les gens utilisent ce
mot, putain. Il claque mais pour les mauvaises raisons. À une époque Zed le
taguait sur tous ses trains comme des dédicaces, c’était le mot de la capitale
selon lui. Apparemment il avait raison. Je dis à Sora que ça me dérange
qu’elle utilise ce mot, elle est prise au dépourvu, la situation est sérieuse,
elle pige pas pourquoi je change de sujet et elle redit putain. » La relation
de Sora et de Liv : « Sora traîne la patte avec ses hauts talons, elle marche
très lentement. Je suis crevée alors je réponds rien. On doit détonner toutes
les deux, ratte des villes et ratte des champs, fille de cocktails et fleur de
poubelle. Après la dernière barre, on rejoint le chemin de fer. La lumière
baisse au ralenti, l’herbe ondule comme si elle était liquide, il va peut-être
pleuvoir, c’est bien, ça nous fera des réserves d’eau. De temps en temps Sora
s’arrête et se retourne. Les montagnes qui surplombent Terdef sont déjà bleu
foncé et la ville minuscule. – C’est encore loin ? Elle a repris ce ton
agaçant de dame de la capitale mais ses gestes disent surtout qu’elle a peur.
– On s’éloigne beaucoup du centre, non ? Quand la lumière est comme ça, avec
le vent du soir et la fatigue, je crois en des choses. Ça a à voir avec le
mouvement de l’herbe, avec les insectes, les oiseaux, même les daims qui
broutent les trottoirs défoncés de Terdef. Ça a à voir avec maman qui s’apaise
quand elle peut enfin arrêter de chercher l’air et avec mon rêve de papa la
nuit dernière. J’ai demandé une fois à Zed s’il avait ça lui aussi, cette
espèce d’appel du dehors. Il m’a répondu que je racontais vraiment n’importe
quoi. » (…) « J’imagine les visiteurs de son musée se faire mousser avec le
danger, comme elle juste maintenant sur le point de rencontrer son artiste. Je
réponds qu’ici, personne se protège et c’est comme ça. On remet le silence
entre nous comme une nouvelle bobine. Je lui signale pas la baraque de Mitch
Cadum quand on passe devant. Les ateliers mécaniques sont un peu plus loin.
Sora appuie sa tête sur le haut du siège, je voudrais pouvoir comprendre de
quelle manière elle regarde l’extérieur. Je conduis tout doucement maintenant
et Sora dit que la nature ici est folle. – Les couleurs sont presque fluo,
c’est génial ! Et ces mousses, ça a un côté surnaturel. C’est comme « spécial
» tout à l’heure, je peux pas mesurer à quel point c’est différent ou normal,
mais je dis que oui, moi en tout cas je trouve aussi qu’autour de Terdef c’est
beau. » (…) « Sora a passé ses mains autour de mon cou, je m’y attendais pas
du tout. Sans ses talons on fait la même taille, mes jambes sont pas très
stables, comme si je marchais sur de la mousse, mais dans mon ventre ça
devient très grand et chaud. La bouche de Sora est en face de la mienne, elle
est légèrement ouverte, on dirait un glacier qui appelle et pendant une
seconde je me dis que si j’y plonge, je vais enfin apprendre des choses. Fait
chier. Je repousse Sora contre la paroi, j’ouvre la porte et je sors à l’air
libre. » La dernière course de Liv : L’herbe me fouette les jambes, il y a pas
de lune et le ciel est violet. Je cours n’importe comment mais de toutes mes
forces à côté du chemin de fer. Le ballast tremble, les rails vibrent, le
convoi est dans le virage derrière moi, il va pas mettre long à fracasser la
plaine, le fond de la vallée en ligne de mire, la capitale tout au bout, bien
après l’horizon. Si je tombe je s...
S'identifier pour envoyer des commentaires.