Eléni, ou personne

Rhéa Galanaki s’empare de la trajectoire d’Eléni Altamura-Boukouna, la première femme peintre grecque qui, au XIXe siècle, est allée étudier en Italie. La fréquentation des écoles étant alors interdite aux femmes, Eléni se grimait en homme pendant la journée, afin de pouvoir suivre les cours, dessiner des nus et obtenir un diplôme. Son déguisement l’a aussi contrainte à se créer une autre identité, sous le nom de Personne, un double auquel elle renonçait le soir, revêtant ses vêtements de femme, mais qui la hantera tout au long de son existence.
En tant qu’Eléni, elle s’est éprise d’un peintre italien renommé, Francesco Saverio Altamura, qui l’a forcée à se convertir au catholicisme pour l’épouser. De lui, elle a eu trois enfants avant qu’il ne les abandonne pour une autre femme. Dépourvue de tout soutien, Eleni n’a pas eu d’autre choix que de retourner à Athènes pour y travailler comme peintre. Quelque temps après, lorsque la maladie la frappe, elle trouve refuge dans la maison familiale située sur l’île grecque de Spetses. Elle y passera les dernières années de sa vie, isolée, ne cessant d’interroger ses choix d’identité, tandis que les rumeurs l’accusant de manier la sorcellerie et d’être simplement victime de folie se multipliaient.
Rhéa Galanaki offre une oeuvre majestueusement construite, à la fois historique et poétique, interrogeant le statut de la femme, qui plus est artiste, sur fond de bouleversements politiques qui allaient dessiner les contours des nations européennes en général, grecque en particulier. La quête d’identité de cette femme artiste, elle-même sans cesse nostalgique de sa terre natale et tiraillée entre deux pays, reflète ainsi les heurts de nations en construction qui interrogeaient elles-mêmes leur identité en devenir.