La Guerre civile des langues

Dans la chronique de l'année 1710 des Mémoires, l'« Intrigue du mariage de M. le duc de Berry » constitue une enclave narrative de grande ampleur où Saint-Simon exprime ses fantasmes de toute-puissance, disposant des grands de ce monde comme de pièces vivantes sur le vaste échiquier du monde social. Et le mémorialiste, trente ans après les événements, redouble cette omnipotence de celle de son écriture, dans le tête-à-tête solitaire avec l'ombre de son passé que représente la rédaction de ses Mémoires. Pourtant, cette maîtrise héroïque du réel, culminant dans la lecture comme immédiate et démiurgique des signes, s'écrit sur fond de vertige du « rien de tout » ce qui n'appartient qu'à ce monde.