Carnets anté-philosophiques

« Il s’agit ici de ne pas tricher : il faut accepter de paraître proférer des énormités. La situation de l’auteur des Carnets n’est pas sans ressembler à celle d’un volcanologue que des circonstances extraordinaires auraient porté à assister à une éruption volcanique profondément différente de ce que la Terre aura fait connaître à la volcanologie jusque-là : si différente, si radicalement soustraite aux plus élémentaires concepts descriptifs de la volcanologie, que le seul moyen pour le volcanologue imaginé de rendre sa description lisible à ses lecteurs volcanologues serait d’obtenir de la Terre que l’éruption décrite par lui, elle la provoque sous leurs yeux. Non pourtant, ce serait aller trop loin : devoir demander à l’Être même de s’’avancer’ jusqu’à rendre les carnets lisibles, a bien quelque chose d’insensé; cela n’est pas à ce point insensé. » (A. L.)

La parution, dans la même collection, des Carnets philosophiques de Jan Patočka et des présents Carnets anté-philosophiques – derrière cette rencontre éditoriale se dissimule une rencontre et un entretien, dans les rues et sur les ponts de la Prague de l’immédiat après-guerre, entre un philosophe et incomparable professeur de philosophie, et un jeune homme désemparé, moins inexpert en matière d’explosifs et de guerre qu’en matière de philosophie. Rencontre qui mériterait d’être racontée. Mais ce ne sont pas ces Carnets anté-philosophiques qui seraient propres à en recueillir le récit. Exilé à la suite du « coup de Prague » de 1948, Alexandre Lowit fut d’abord étudiant de Jean Wahl à la Sorbonne, puis chercheur au Centre national de la recherche scientifique.