Une réussite
Joseph Portedor n'est pas tout à fait comme les autres. D'une sensibilité à fleur de peau, il ressent les choses avec intensité. Son intuition ne semble jamais faillir tant et si bien qu'il semble prédire l'avenir.
D'un tempérament obsessionnel, il n'aura de cesse de vouloir se venger. Tel un mantra comme pour surmonter les épreuves de la vie. Venger son père d'une mort inique, venger sa mère de son absence. Venger Amina l'amour de sa vie de la persécution.
Guillaume Sire déploie ainsi la vie de Joseph Portedor, fils d'Emmanuel Portedor tombé au champ d'honneur, sur près de 100 ans.
Contraints de vivre plus modestement, Joseph et sa mère emménagent sur l'île de Tounis à Toulouse. Sa mère fait des ménages chez une figure locale "la cardinale" mère maquerelle au fort tempérament ("une femme-fer" comme la surnomme d'emblée la mère de Joseph).
Joseph suit en ayant surtout l'œil sur les allées et venues de sa voisine du dessous Amina. Amina Halbron. Un regard dur, une langue acérée, un tempérament fort. Joseph est immédiatement attirée par cette jeune fille qui pourtant ne l'épargne guère. Elle le hantera toute sa vie durant, elle sera même sa raison de vivre..
Un roman qui m'a emballée tant par son ampleur narrative que par sa galerie de personnages hauts en couleur - sans omettre l'écriture expressive et imagée de l'auteur.
Un roman qui se lit d'une traite et nous voilà embarqués par cette singulière histoire d'amour…!
Avec panache et tendresse
Bernard Mélois, le père de l’autrice, est un sculpteur à l’âme d’éternel enfant. Lorsque celui-ci sent que sa fin est proche, il décide d’organiser ses propres funérailles avec l’aide de sa femme et de ses filles.
Un récit haut en couleurs et un regard très tendre sur l’amour qui lie un homme à ses enfants.
Passion Jaenada!
Quand on lit un livre de Jaenada, il faut se laisser porter par la passion de l’auteur. Ses colères, ses digressions hilarantes, ses obsessions.
Ici, il redessine le parcours d’une bande d’enfants perdus qui erraient dans le Saint-Germain des années 50. Il veut comprendre pourquoi « kaki », l’une d’entre eux, une magnifique jeune femme de 20 ans, a décidé de mettre fin à ses jours. Un voyage dans le temps doublé d’un tour de France (si si).
Un livre à la générosité folle.
Tumultueux
Masao vit seul sur l'île de Naoshima. Un jour, après le travail, une jeune femme l'attend. Harumi, sa fille qu'il avait perdu de vue depuis bien longtemps déjà, est là.
Leurs retrouvailles sont sans emphase, presque silencieuses et pourtant de cette re-rencontre vont surgir les souvenirs alors enfouis. Masao se souvient...de la mère de sa fille, Kazue et de l'amour inconditionnel qu'il lui portait. De leur rencontre à la naissance d'Harumi, puis de ses années d'errance, lorsqu'il était gardien de phare...
Et ce lien à la mer, indéfectible et ambivalent, ravivé par la présence de cette barque. Une barque construite de ses mains, devenant le symbole d'une renaissance...
Antoine Choplin exprime avec pudeur et retenue le tumulte des sentiments d'un homme pour celle qu'il a aimé, d'un père pour sa fille. La vie est ainsi faite, sinueuse et agitée, à l'image de la mer, omniprésente ici. A la fois séduisante et redoutable.
Un roman d'une grande délicatesse, qui laisse une empreinte particulière, celle d'une vive mélancolie.
Redoutable
Flamboyant. Armand et Birke sont de ces coups-là. Comédiens érudits, ils alternent les grands rôles du répertoire. Les années passent, le temps ne laisse aucune empreinte sur leur corps. Leur sexualité ne cille jamais. L'appétit est là dans toute son acception.
Légère ombre au tableau : leur fille Miranda qu'ils adorent au demeurant, ne brille pas par son extravagance ni par son audace. Elle leur semble même un peu terne dans ses frusques trop grandes et un peu moches. Et comble du désarroi, aucune passion ne l'anime.
C'est par la voix de son père Armand que nous faisons la connaissance de Miranda et de leurs vies respectives. Le ton est assuré et peu sujet à équivoque. Armand parle de sa femme Birke, qu'il adule, de lui-même qu'il apprécie beaucoup, du théâtre et de Miranda, avec qui il entretient une relation tendre et aimante...bien que critique.
Survient alors dans une deuxième partie bien distincte, le point de vue de Miranda. Nous voilà propulsé dans la psyché complexe de cette jeune fille. Et bien sûr, c'est une découverte totale. Cette fille là ne ressemble en rien au portrait dessiné par son père. Et c'est brutal.
Ce roman a cette particularité propre à certains romans denses et alambiqués : celui de vous agripper et de ne plus vous lâcher. Le style et la forme y contribuent fortement. La fluidité et la précision de la langue, le ton direct et cru. Les thématiques nombreuses. La parentalité et ses affres, la transmission de ses névroses (à plus ou moins haute dose) Ici le narcissisme exacerbé du père et de la mère semble bien avoir influer sur le comportement de leur fille, mais bien sûr pas que...les pistes d'un tel échec sont multiples et méandreuses…
Un roman hypnotique à bien des égards, cruel et fichtrement glaçant.